Vendredi 13 Novembre 2015. Paris.
L'Horreur. La Folie. L'Impardonnable. La Haine. Ont frappé Paris, notre capitale.
Comme tout le monde, nous avons observé. Apeurés. Nous avons lu. Effrayés. Nous avons regardé les analyses des professionnels. Tétanisés. Nous avons pleuré ces morts. Nous avons suffoqués complètement affolés. Nous avons imaginé l'avenir sans réaliser vraiment ce qu'il pouvait encore se passer.
L'Horreur a frappé, trop d'innocents ont été touchés. La vie prend un tournent qui nous dépasse. Chaque petit individu que nous sommes semble bien impuissant face à ce monstre tentaculaire sans état d'âme.
Se sentir si petite...
Comme tout le monde j'ai pleuré. Mon corps s'est vidé. Ma tête s'est embuée. Je me suis imaginée n'avoir jamais quitté Paris, je me suis imaginée dans ces rues que je connais tant et ce lieu passionné que j'affectionne particulièrement, je n'ai pas arrêté de me répéter "Et si..."
Comme tout le monde j'ai pleuré en m'imaginant que ce n'était peut être qu'un début. Avoir du mal à entendre ce mot qui fait peur : Guerre. De ne pas savoir quand. Ni où. Ni comment cela se répètera. Espérer que cela s'arrête. Qu'il n'y aura pas de prochaines fois.
Puis j'ai réalisé que seule, expatriée si loin, je n'y pouvais rien. Vraiment rien. Je peux avoir peur. Je suis tétanisée. Je suis vidée. J'ai beau me dire qu'il ne faut pas céder à la panique, je serai de celle à rester cloîtrée chez moi. Pour me protéger mais surtout pour ne pas les exposer. Mes enfants. Avoir l'impression que cela peut frapper partout, tout le temps, n'importe qui !
Se sentir si vulnérable...
Et égoïstement je réalise que ce ne sont plus nos rues. Que nous nous trouvons loin. Qu'il n'est pas prévu de rentrer prochainement en France. Expatriés au bout du monde, pour la première fois depuis 4 ans je ne ressens plus de culpabilité d'être là. Pour moi. Pour lui. Pour nos enfants.
Je me réjouis de les savoir en sécurité. De ne rien avoir à expliquer à mon curieux de presque 4 ans. De leur offrir une autre vision du monde. De ne pas avoir de noeud à l'estomac en allant travailler ce matin. En les laissant à la crèche. De pouvoir parler d'autres choses avec les amis. De pouvoir couper mon téléphone juste pour oublier, un peu, quelques heures. Je suis heureuse de trouver notre vie Douce. Sereine. Calme. Je suis sereine de ne pas me retourner dans la rue pour un mauvais regard, la peur au ventre. Sursauter pour un bruit bizarre. Egoistement je savoure d'avantage notre vie, notre choix, notre expatriation, notre distance.
Je m'excuse d'être égoïste mais c'est mon moyen d'auto-défence face à l'horreur. Cet égoïsme qui m'aide à sourire aujourd'hui.
Se sentir si soulagée...
Mais forcément ce sentiment de sécurité est de courte durée... Car nos familles. Nos parents. Nos amis. Ma nièce. Ma soeur. Notre vie. Eux qui vivent là-bas. Qui traversent ces rues. Dansent dans ces salles. Mangent dans ces restaurants. Trinquent dans ces bars. Car notre coeur est Français! Notre culture. Notre attachement. Nos références. J'ai peur pour eux. Je suis tétanisée à l'idée de ce qui peut leur arriver. Je ne peux les empêcher d'avoir envie de continuer de vivre normalement. Même si la normalité semble avoir quitté le pays ces dernières heures. Je ne peux les empêcher de se rendre à Paris. Je ne peux les garder chez eux, recroquevillés. Je ne peux pas les protéger juste en ouvrant mes bras. Je ne pas voir disparaitre leur sourire. Leur espoir. Leur joie. Leur optimisme.
Se sentir si impuissante...
Mes seules armes deviennent L'Amour et la Vie.
La Vie et l'Amour. L'amour de la Vie. La Vie de l'Amour.
Pour conserver nos sourires, nos espoirs, nos joies, nos optimismes : Aimons-nous. Disons-le nous. Ecrivons-le nous. Prouvons-le nous. Cajolons-nous. Rions ensemble.
Oublions nos jugements, nos différences, nos caricatures, nos sentiments haineux, nos critiques, nos méchancetés. Ne perdons pas de temps avec ces futilités.
Profitons de la Vie. De chaque seconde. Dansons. Chantons. Mangeons. Buvons. Embrassons-nous. Extasions-nous. Sentons-nous plus fort. Passionnons-nous. Serrons-nous. Aidons-nous. Vivons comme nous le faisions.
Regarder le ciel, respirer, inspirer, prendre des forces, se sentir observés et ne pas oublier ses étoiles qui nous regardent.
Se sentir si aimée et aimante par la Vie...
Regardons nos enfants jouer, grandir, sourire : ils sont notre force, notre énergie, notre avenir. Inspirons nous de leur innocence. De leur naturel. De leur sincérité. Observons les petits bonheurs du quotidien. S'en satisfaire. Ils ont besoin de nous voir forts. De nous voir heureux. De nous voir fiers et confiants. Aimons et vivons, si ce n'est pas pour nous, faisons le pour eux !
Vendredi 13 Novembre 2015. Paris.
J'ai peur. Je suis tétanisée. Je n'oublierai jamais.
Mais je souris à l'Amour et à la Vie!